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La non-restitution de l’instrument de l’infraction ne présente pas un caractère obligatoire

Pénal - Procédure pénale
22/01/2021
Dans un arrêt du 21 janvier 2021, la Cour de cassation affirme que la non-restitution de l’instrument de l’infraction ne présente pas un caractère obligatoire lorsque la requête aux fins de restitution est présentée après que la juridiction de jugement saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution. Aussi, la chambre de l’instruction doit apprécier s’il y a lieu ou non de restituer le bien au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle. 
Un homme est poursuivi devant le tribunal correctionnel pour exécution d’un travail dissimulé et vente ou mise en vente de marchandise présentée sous une marque contrefaisante sur un réseau de communication public en ligne. Au cours de l’enquête, plusieurs matériels informatiques et téléphoniques ont été saisis.
 
Le tribunal correctionnel, par une décision devenue définitive, a déclaré le prévenu coupable des faits et l’a condamné à une mesure de sanction réparation au profit des parties civiles. Le procureur de la République est saisi par l’intéressé d’une requête en restitution d’un téléphone portable et de deux ordinateurs. Requête rejetée au motif que ces biens ont servi à commettre les infractions. La décision a été déférée à la chambre de l’instruction.
 
Cette dernière ordonne la restitution des biens placés sous main de justice en précisant que, s’agissant de la gravité concrète des faits, il y a lieu de prendre en considération la durée des infractions (moins de 5 moins), le nombre limité des ventes (entre 30 et 50) et le bénéfice pour le requérant (estimé à 700 euros). Elle note aussi que le préjudice qui en est résulté pour les 4 parties civiles a été retenu pour un montant total de 800 euros et l’intéressé a payé les sommes allouées aux parties civiles. Enfin, pour les juges du second degré, les objets susceptibles peuvent contenir des données personnelles et familiales dont la privation pourrait affecter l’intéressé et ses proches.
 
Le procureur général près la cour d’appel a formé un pourvoi en cassation. Dans un arrêt du 20 janvier 2021, la Cour de cassation le rejette. Elle note que l’article 41-4 du Code de procédure pénale prévoit :
- qu’au cours de l’enquête ou lorsqu’aucune juridiction n’a été saisie ou que la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, « le procureur de la République ou le procureur général est compétent pour décider, d’office ou sur requête, de la restitution de ces objets lorsque la propriété n’en est pas sérieusement contestée » ;
- il n’y a pas lieu à restitution lorsqu’elle est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction ou lorsqu’une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice ;
- la décision de non-restitution prise pour l’un de ces motifs ou pour tout autre motif, même d’office par le procureur de la République ou le procureur général peut être déférée par l’intéressé au président de la chambre de l’instruction ou à la chambre de l’instruction.
 
La Cour de cassation note néanmoins que l’article 131-21 alinéa 2 du Code pénal « ne prévoit pas que la peine complémentaire de confiscation de l’instrument de l’infraction présente un caractère obligatoire ». Et le refus de restitution d’un bien saisi constituant l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction est une simple faculté pour la juridiction saisie en application de l’article 481, alinéa 3 du Code de procédure pénale (Cass. crim., 27 juin 2018, n° 17-84.424).
 
Alors « Lorsque la requête aux fins de restitution est présentée après que la juridiction de jugement saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, la non-restitution de l’instrument de l’infraction ne saurait présenter un caractère obligatoire ». Interprétation non contraire à l’article 4, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, dont les dispositions du deuxième alinéa de l’article 41-4 du Code de procédure pénale constituent la transposition.
 
La Haute juridiction souligne enfin que la chambre de l’instruction à laquelle est déférée la décision de non-restitution rendue par le ministère public après que la juridiction de jugement saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution, doit « apprécier, sans porter atteinte aux droits du propriétaire de bonne foi, s’il y a lieu ou non de restituer le bien au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ». La chambre de l’instruction a donc justifié sa décision.
 
Rappelons que le 6 janvier dernier, la Cour de cassation a jugé que lorsqu’une décision de non-restitution est déférée à la chambre de l’instruction, et lorsqu’aucune juridiction n’a été saisie au terme de l’enquête ou lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution, elle doit trancher la contestation relative à la propriété des objets réclamés si la décision sur la restitution en dépend (Cass. crim., 6 janv. 2021, n° 20-80.128, P+B+I, v. Restitution : la chambre de l’instruction doit déterminer la propriété des objets si la décision sur la restitution en dépend, Actualités du droit, 12 janv. 2021).
 
 
Source : Actualités du droit