L'action en indemnisation au titre du décès

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« Il fut soutenu jadis qu’il existait également un pretium mortis et on a construit une théorie aux termes de laquelle la mort devrait être assimilée au point de vue de la réparation à une incapacité à 100 % ouvrant, au profit de la succession de la victime, une créance contre l’auteur de l’accident, calculée sur ces bases, laquelle se répartirait entre les héritiers au prorata de leurs droits héréditaires, sans que cette première réparation fasse obstacle à la possibilité pour les parents de réclamer en outre des dommages pour le préjudice personnel subi à un titre matériel (débours causés par le décès et disparition de l’aide possible défunt), soit à titre moral (préjudice d’affection).

Cette théorie a notamment été défendue par H. et L Mazeaud qui s’expriment ainsi : « Le dommage est nécessairement subi par la victime avant son décès. Si rapide qu’ait été la mort, il s’est forcément écoulé entre elle et les coups portés au moins un instant de raison. Obligatoirement, les coups ont précédé la mort. Dans cet instant, si bref fût-il, où victime déjà atteinte n’était pas encore décédée, dans cet instant où son patrimoine existait encore, est née la créance d’indemnité ; les héritiers la retrouvent donc dans la succession… la créance ne naît pas sur la tête d’un mort, mais sur la tête d’un vivant parce qu’il meurt. La victime meurt de sa créance… Les héritiers ne demandent donc pas la réparation du préjudice subi par un mort, mais du préjudice subi par un vivant, en mourant, du fait de sa mort ».

Mais cette thèse avait été repoussée par le tribunal de la Seine, qui avait jugé qu’aucune créance ne peut, par définition, naître du fait de la mort tant que la mort n’est pas effectivement survenue, nul ne pouvant affirmer que cette mort est inéluctable et les sursauts de la nature étant imprévisibles ; que ce n’est pointons la fraction de seconde qui précède la mort que la créance naît, mais dans la fraction de seconde qui suit ; qu’à ce moment-là, il est trop tard, celui qui vient de disparaître ne pouvant plus être titulaire de droits ».

On a objecté que cette jurisprudence statuait contre l’équité en rendant la charge d’un homicide involontaire scandaleusement moins onéreuse que celle de blessures involontaires.

Mais c’est faire là une confusion entre sanction et dédommagement.

La théorie du pretium mortis a, par la suite, été implicitement mais nettement, condamnée par la Cour de cassation”

Mais l’idée d’un préjudice spécifique résultant du décès, ou à tout le moins de ses circonstances, n’a jamais complètement disparu.

Ainsi, la jurisprudence récente, sans accepter l’idée d’un préjudice résultant pour victime de son propre décès, considère qu’il existe un préjudice moral particulier la victime ayant pu avoir conscience de l’imminence de son décès,

Par ailleurs, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé, au visa des articles 1147 et 731 du Code civil : « qu’il résulte du premier de ces textes que toute personne victime d’un dommage, quelle qu’en soit la nature, a droit d’en obtenir l’indemnisation de celui qui l’a causé et, selon le second, que le droit à réparation du dommage résultant de la souffrance morale éprouvée la victime avant son décès, en raison d’une perte de chance de survie, étant née dans patrimoine, se transmet à son décès à ses héritiers ».

De même, le Conseil d’État a considéré qu’un préjudice spécifique pouvait être indemnisé lorsque la victime était consciente de la réduction de son espérance de vie.

Ce préjudice a pu sembler revêtir une nature propre qui le distinguerait des classiques souffrances physiques et morales.

Son évaluation reste nécessairement indexée sur la réalité de la perte d’espérance de vie.

Plus celle-ci est grande, c’est-à-dire plus la victime était jeune et en bonne santé avant l’accident, plus le préjudice sera important.

Il faut ici renvoyer à la problématique du préjudice d’angoisse, qui est fréquemment reconnu pour la période comprise entre la lésion corporelle et le décès subséquent, mais qui peut tout aussi bien exister pour une victime confrontée à un danger de mort finalement écarté.

Mais pour certains auteurs, les problématiques du préjudice de perte de vie et de l’angoisse de mort restent radicalement différentes, et pourraient justifier, même si la jurisprudence le rejette aujourd’hui, des demandes distinctes. » *


En toute hypothèse, en votre qualité de victime, vous devez envisager l’ensemble de votre dossier pour la reconnaissance de la totalité de vos préjudices avec un avocat habitué à ce type de saisine, de négociations et de combat.




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* Max LE ROY, Jacques-Denis LE ROY, Frédéric BIBAL, L’évaluation du préjudice corporel, 21e édition LexisNexis