L'incidence professionnelle post-consolidation

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« L’incidence professionnelle est une notion prétorienne consacrée par la nomenclature Dinthilhac et le rapport Lambert-Faivre.
 
Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser « les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle » et se distingue des pertes de gains professionnels futurs, qu’il s’agisse de pertes directement subies par la victime ou par l’intermédiaire de sa société.
 
Jusqu’à une époque récente, l’incidence professionnelle était soit complètement omise, soit intégrée à d’autres éléments du préjudice tels que l’ancienne incapacité permanente partielle.
 
Les cas dans lesquels son indemnisation était autonome restaient rares et concernaient les dossiers les plus lourds.
 
Il en va désormais autrement, ce poste occupant une place charnière dans l’indemnisation actuelle des préjudices.
 
Il s’agit d’indemniser les conséquences, l’impact de l’accident sur la vie professionnelle indépendamment des pertes de revenus directement constatables.
 
Cet impact peut se manifester de plusieurs façons ainsi qu’à divers moments.
 
Ainsi, un blessé peut, du fait de ses séquelles, devoir renoncer à son projet professionnel ou se retrouver face à des difficultés de réinsertion (une dévalorisation sur le marché du travail) ou encore en cas de reprise du travail, les séquelles peuvent continuer à envahir le quotidien de sa vie professionnelle (pénibilité accrue, déclassement interne, travail de moindre intérêt…).
 
L’incidence professionnelle concerne donc les victimes qui peuvent reprendre une activité professionnelle, mais elle existe également pour celles qui ne peuvent plus du tout travailler.
 
En effet, dans cette hypothèse, elles subissent un préjudice de carrière, ne sont plus en capacité de s’épanouir professionnellement et perdent ainsi une partie de leur identité sociale.
 
Les deux chefs de préjudice professionnels (pertes de gains et incidence) vont donc se cumuler ou être alternatifs selon les situations.
 
L’incidence professionnelle peut ainsi s’aouter aux pertes de gains professionnels futurs, notamment lorsque la victime ne travaille plus.
 
Elle se justifie également en l’absence de toutes pertes de gains, par exemple lorsque la victime bénéfice d’un maintien intégral de salaire, malgré son handicap professionnel.
 
On notera, par ailleurs, que la nomenclature Dintilhac ne prend en compte que « l’incidence professionnelle à caractère définitif ».
 
L’incidence professionnelle n’existe pas à titre temporaire dans la nomenclature.
 
Il en résulte que pour la période précédant la consolidation, ce qui pourrait être considéré comme entrant dans ce préjudice (pénibilité du travail, moindre intérêt du poste, perte de chance de bénéficier d’une promotion…), devrait être inclus dans le même poste que les pertes de gains avant consolidation.
 
A moins, comme semble l’avoir suggéré la Cour de cassation en s’écartant sur ce point de la nomenclature Dintilhac, que l’incidence professionnelle temporaire ne doive constituer un poste distinct.
 
Précisons que s’agissant des victimes de faute inexcusable de la part de l’employeur, la Cour de cassation considère depuis ses arrêts du 4 avril 2012, que la rente majorée indemnise, outre les pertes de gains professionnels, l’incidence professionnelle.
 
La Cour européenne des droits de l’homme a jugé de son côté que l’absence de réparation intégrale de ces préjudices, pour les victimes de faute inexcusable de l’employeur, n’est pas discriminatoire.
 
L’incidence professionnelle est un poste de préjudice polymorphe.
 
Constituent notamment une incidence professionnelle :
 

  • La dévalorisation sur le marché du travail ;
  • La perte d’une chance professionnelle ;
  • L’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe ;
  • La nécessité d’abandonner l’activité professionnelle antérieur au profit d’une autre ou un e partie de son activité ou encore de ne plus exercer une quelconque activité ;
  • La perte totale ou partielle de droits à la retraite.
 
Sont également inclus dans ce poste, les dépenses ou manques à gagner qui ne correspondent pas à des pertes de gains tels les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste.
 
Doivent également être pris en compte au titre de l’incidence professionnelle même s’ils ne sont pas mentionnés par la nomenclature : la précarisation de l’emploi, la diminution des performances, l’aléa professionnel qui pèse sur une personne atteinte d’un handicap, plus exposée à un risque de perte d’emploi et à des périodes de chômage plus longues ou encore le moindre épanouissement professionnel, voire la perte de tout intérêt personnel au travail.
 
Enfin, un autre élément peut également être pris en considération s’agissant d’une victime exerçant la profession de commerçant.
 
En effet, l’interruption totale de toute activité engendre une dépréciation de la valeur du fonds de commerce qui constitue un élément patrimonial.
 
Cette dépréciation ne peut être considérée à proprement parler comme une perte de revenus stricto sensu, mais peut très bien être intégrée au titre des éléments objectifs entrant dans le champ de l’incidence professionnelle.
 
A côté de ces éléments objectifs, il est préconisé de tenir compte du retentissement subjectif de ces modifications de la sphère professionnelle.
 
La victime invoque souvent à ce titre :
 
  • Le regard des autres, employeur, supérieurs hiérarchiques, collègues ;
  • Les efforts pour retrouver le maximum de capacité de travail ;
  • Le désœuvrement temporaire ou définitif ;
  • La perte d’une certaine identité sociale et la dévalorisation de soi ;
  • L’exclusion plus ou moins forte du corps social. » *

En toute hypothèse, en votre qualité de victime, vous devez envisager l’ensemble de votre dossier pour la reconnaissance de la totalité de vos préjudices avec un avocat habitué à ce type de saisine, de négociations et de combat.




* Max LE ROY, Jacques-Denis LE ROY, Frédéric BIBAL, L’évaluation du préjudice corporel, 21e édition LexisNexis